L’entraînement fonctionnel a le vent dans les voiles. On a enfin trouvé comment rendre ses lettres de noblesses à un type d’entraînement aussi vieux que le monde, puisqu’on ne peut retracer l’histoire humaine à autre chose que formidables prouesses physiques, en commençant par la course à pied de longue durée, notre ”superpower” en tant qu’espèce (personne dans le règne animal ne peut couvrir autant de terrain que nous en 24 heures, de ce que j’ai constaté). Il y a autour de 150 ans cependant, un clin d’oeil dans l’histoire, l’amélioration de la condition humaine a permis à certains de commencer à jouer avec leur physique, et pas seulement pour améliorer leurs chances de survie ou dans le cadre de leur travail/métier. Tout simplement pour mieux paraître et plaire, autant à eux-mêmes que les autres. Au fil du temps, cette méthode d’entraînement est devenue ”la façon de s’entraîner”, la majorité s’imaginant qu’il s’agit de la seule façon de débuter dans l’entraînement physique. Dans cet article, je démystifie tout ça, en remettant l’utilité du bodybuilding à sa place, à ma façon.
1) Eugene Sandow : du tout début Bien qu’on puisse retracer une certaine forme de culture physique en Inde au 11ième siècle (!), on donne le crédit à Eugene Sandow (né Friedrich Muller, un allemand) comme étant le premier à utiliser l’entraînement pour véritablement l’aspect esthétique, se produisant devant des foules autant pour ses prouesses physiques que pour son développement physique et ses poses. Avant lui, il était commun de voir des hommes très costauds et forts tirer des animaux et lever de grosses roches, mais comme il est facile de voir ici, Sandow n’était rien de cela. En 1901, Sandow a aussi organisé le premier ”show” de bodybuilding, en Angleterre. Puisqu’il n’est pas possible de déterminer un gagnant de façon quantifiable, comme les ”shows” d’hommes forts, ça a été le début des ”shows” décidés par des juges de façon subjective.
2) De John Grimek à Ronnie Coleman De 1901 à 1940, la culture physique a évolué pour devenir une combinaison de force, de qualités athlétiques et d’esthétiques. À cette époque, les conditions étant rudes et l’équipement rudimentaire, il est important de savoir que pratiquement tout le monde s’entraînait autant pour développer sa force, améliorer sa capacité physique, et que la majorité du travail consistait à éviter de garder beaucoup de gras sur son corps, comme la majorité des hommes encore à cette époque. John Grimek a gagné la première compétition moderne de bodybuilding en 1940, suivi par Clancy Ross et Steve Reeves, qui est devenu la première star du bodybuilding à se produire au grand écran, dans les années 50 et 60. Durant ce temps fut ce qu’on appelle aujourd’hui le ”Golden Age of bodybuilding”. Pourquoi? Beaucoup des bodybuilders les plus révérés encore aujourd’hui ont fait partie de cette ère. Reg Park, Bill Pearl, Frank Zane, Sergio Oliva et un certain Arnold Schwarzenegger ont tous compétitionné dans les années 60-70 dans l’époque où on attribue aujourd’hui les meilleurs physiques de l’histoire, quand les hommes ressemblaient encore à des humains. C’est véritablement après cette époque, à juste titre, qu’on sent que le public décroche. On parle de l’ère (les années 80 à 2000) qui ont vu les athlètes prendre des proportions tellement gigantesques qu’il a fallu faire une section ”naturelle” et une section ”enhanced” (augmentée en anglais), la différence étant tellement grande entre les classes d’athlètes qu’il n’était plus possible de les juger ensemble. Même s’ils sont révérés par une partie de la population, des hommes comme Dorian Yates, Jay Cutler et Ronnie Coleman ont véritablement dépassé les normes de ce qu’on croyait possible en termes de développement physique, créant un fossé entre le culturisme traditionnel pour améliorer sa santé et plaîre et le désir d’atteindre des proportions tellement énormes qu’il est nécessaire d’écourter sa longévité de quelques années à quelques décennies pour le faire.
3) Les impacts dans les gyms du monde entier Comme je l’ai mentionné précédemment, il a toujours été nécessaire pour les hommes, et pour les femmes aussi, d’être physiquement capables jusqu’au début du 20ième siècle. Les conditions de vie étaient rudes, et il n’y avait pas de IGA à chaque coin de rue. Beaucoup d’heures dans une journée étaient dédiées juste pour survivre pour la majorité des gens. C’est pourquoi l’entraînement à cette époque était directement relié à devenir le plus fort et athlétique possible, sans égards vraiment pour l’aspect esthétique. Quand on pense à la ”Méthode Naturelle” de Georges Hébert,qui faisait à l’époque un ”pied-de-nez” au bodybuilding naissant en Europe, c’est en fait probablement l’ancêtre du décathlon moderne dont on parle, et même du Crossfit! C’est véritablement grâce à Arnold et Franco Colombo que le monde, et surtout l’Amérique du Nord, s’est éveillé à la culture physique, l’apparition de médias comme la télévision et les magazines aidant beaucoup j’imagine. À partir de là, l’aspect esthétique primant sur la force, la mobilité et les réelles capacités physiques, l’entraînement devenait accessible à beaucoup plus de gens. Il exigeait tout d’un coup beaucoup moins de capacités motrices pour s’entraîner en salle, un ”leg extension” ne demandant pratiquement aucune qualité technique, alors qu’un squat, et ce surtout avec une barre dans le dos, requiert une longue (quelques semaines à plusieurs années) période d’apprentissage pour y devenir efficace. Tout d’un coup, travailler avec de longues répétitions primait sur travailler avec des charges lourdes, ce qui avait l’effet bénéfique de réduire le risque de blessures, mais de limiter le potentiel de force de son utilisateur. Aussi, et non le moindre, l’aspect économique, et ce surtout aux États-Unis, a été non négligeable. Il a tout d’un coup été possible de créer des gyms immenses, avec des tas de machines, sans avoir à former et payer des bons revenus à des gens qualifiés pour apprendre les gens à bouger, les coachs devenant plus des surveillants de plateaux pour contrer l’imbécilité humaine que de vrais coachs. Il était possible de simplement faire payer ”un membership” à monsieur ou madame, et de les relâcher dans la nature, avec très peu d’instructions. Il n’était plus requis à quiconque d’apprendre à bouger son corps dans l’espace, la machine le faisant pour vous. De cette façon, les gyms grande surface attiraient (et encore aujourd’hui) énormément de gens, une fraction minime obtenant des résultats probants. Profitant du remords et de la relation malsaine générale du grand public avec la nourriture, les excès (maintenant possibles) et leur image corporelle, ces gyms sont maintenant la seule ”buisiness” (de ce que je sais) comptant sur l’absence des gens pour faire des profits. Si tous les gens qui se prennent un ”membership” en janvier continuaient à fréquenter le gym à l’année longue, leur modèle d’affaires ne fonctionnerait pas (il faudrait agrandir).
4) Le bodybuilding dans un monde moderne Inutile le bodybuilding? Pas si vite! Pour le coach moderne, il est avantageux de comprendre que les longs temps sous tension, les longues répétitions et les exercices plus ciblés sont importants pour renforcer certains groupes musculaires plus faibles. Certains groupes de muscles sont juste trop souvent négligés avec une approche plus ”powerlifting” (squat, bench et deadlift). Même le Crossfit, qui est en soi juste une évolution moderne de ”patterns” de mouvements qui existent depuis des lustres, est incomplet sans exercices d’isolation. Tout le monde a des faiblesses, et une grande partie de travail d’un coach est de les identifier et de trouver le meilleur exercice pour les cibler. Même pour l’athlète débutant, c’est très utile. Pour la personne qui débute et qui veut simplement améliorer sa santé, un mélange heureux de tout ça est à mon avis la meilleure approche.