L’obésité, comme mentionné dans ce document (page 6) a été désignée en tant ”qu’épidémie mondiale” par l’OMS, il y a déjà 25 ans, en 1997. Depuis, la situation empire, et les problèmes de santé qui y sont associés (hypertension, diabète type 2, problèmes cardiovasculaires, ect..) menacent même de défoncer le budget fédéral américain. Il est estimé par cette étude (The Lancet) que le coût des problèmes de santé ”qu’on a qualifié d’évitables” en 2016 a excédé 700 milliards de dollars, soit plus que le PIB de 171 pays à travers le monde (* for the record, ça laisse à peine 24 pays qui ont un PIB plus élevé). Mais, disproportionnellement par rapport à sa réelle portée en tant que problème de santé en tant que tel (pas tous les gens qui font de l’embonpoint ont des problèmes de santé sérieux ; la santé est beaucoup plus complexe que ça), l’obésité est un énorme enjeu de stigmatisation qui donne lieu à de sérieux problèmes de perception de soi et de santé mentale. Pas besoin d’étude à doubles volets pour en déduire que ”la goutte” donne lieu à bien moins d’enjeux de stigmatisation que l’obésité, au Québec comme ailleurs. Pour mieux comprendre le phénomène, j’ai bien voulu creuser pour voir jusqu’où ça mène tout ça.
1) Le culte du corps à travers les époques
Tout d’abord, il semble important de mentionner que le culte de la minceur est très récent dans l’histoire humaine. Pour 99+% de notre évolution, il aurait fait du sens de choisir son/sa (encore davantage quand on parle des femmes) partenaire de vie du moins partiellement en fonction de sa capacité à résister physiquement aux périodes de famine fréquentes, ce qui aurait donné un avantage de survie et un net avantage reproducteur (les femmes qui descendent à un pourcentage de gras trop bas perdent souvent leurs règles (aménorrhée)) aux individus capables de faire plus de réserves de gras corporel durant les mois plus fastes. Selon cet article, c’est seulement au tournant du 20ième siècle (fin des années 1800 au début des années 1900), qu’une fois la prospérité atteinte (du moins pour une assez grande minorité), les gens ont pu se permettre de créer des modes. Différentes variations du culte du corps, surtout féminin, ont prospéré au cours des décennies suivantes, créant une dichotomie bizarre et opposée ; notre obsession culturelle pour un beau corps n’a jamais été aussi présente (amplifiée par les réseaux sociaux depuis 15 ans), et nous n’avons jamais été aussi gros! Pourquoi? Il faut regarder plus loin que la volonté personnelle, ça semble certainement.
2) La génétique
Il est fort probable qu’on ait remarqué par exemple, des frères et soeurs au sein d’une même famille qui sont complètement différents. L’un est très maigre alors que l’autre fait de l’embonpoint sévère. Bien qu’il existe plusieurs explications différentes à ce phénomène, il ne semble pas à dédaigner que certaines personnes sont juste ”meilleures” pour accumuler du gras que d’autres. Comme mentionné plus tôt, cette capacité particulière a probablement été un avantage lors de 99+% de l’évolution humaine. Dans une période de prospérité telle qu’on connaît actuellement, ce trait se retourne contre nous. Cet article (2020), même s’il semble exister encore beaucoup d’incertitudes dans ce domaine, semble suggérer que ces facteurs peuvent contribuer de 40 à 70% de l’obésité.
2) Foetus, naissance et petite enfance
Dr. Gabor Mate a été l’un des premiers psychologues cliniciens dont qui j’ai entendus parler de l’impact du stress et de l’anxiété de la mère qui porte un enfant durant sa grossesse, et des impacts probables sur le développement de l’enfant au cours de sa vie. Il est lui-même né dans une situation extrême (occupation nazie à Budapest), dans laquelle sa mère a naturellement vécu un stress intense tout au long de sa grossesse. Même s’il n’a lui-même pas de surcharge pondérale, il présente, selon ses dires, un TDAH qui aurait très bien pu être apaisé par une impulsion incontrôlable de manger constamment, phénomène très commun. La montée en flèche des césariennes (particulièrement au Brésil, où la naissance par voie vaginale ne semble plus est la norme pour la femme qui a un certain choix) au cours des décennies a de plus été associée à des problèmes de surpoids plus tard dans la vie (méta-analyse 2014), ce qui donne lieu de secouer la tête en pensant aux motivations derrière tout ça. De plus, il semble assez clair que les bébés nourris à la formule présentent plus de risques de surpoids que ceux nourris au lait maternel plus tard dans leur vie.
4) Éducation, Affluence et Palais différents
Il n’est pas à discuter que certaines personnes sont juste foncièrement plus intéressées par la nutrition que certains autres. L’auteur de ces lignes lisait l’information nutritionnelle sur les aliments à l’épicerie à un très jeune âge, alors que la plupart des autres jeunes jouaient au jeux vidéos. Ces gens plus intéressés à la qualité de leur nutrition, qui ont de surcroît de bons modèles autour d’eux, sont dans la plupart des cas beaucoup plus susceptibles de garder ces habitudes tout au long de leur vie, et de les passer à la génération suivante. De plus, spécialement lors des dernières années, il ne va pas sans dire que le panier d’épicerie coûte cher, et que les aliments les plus associés à une bonne santé ont tendance à coûter beaucoup plus cher PAR CALORIE que des produits transformés, qui sont universellement connus (?) pour engendrer déficits nutritionnels et gain de poids pour une majorité de personnes.
De plus, il est à ajouter que nous avons des papilles différentes et donc des goûts différents ; il fait donc du sens d’envisager pourquoi un enfant peut aimer autant les sucreries dès son plus jeune âge, alors qu’un autre les déteste. Les goûts peuvent changer en vieillissant, mais il est fort à parier que, dans un environnement défavorable (cas extrême : les ”food deserts” aux États-Unis) , un individu qui acquiert des habitudes alimentaires sous-optimales aura un Everest à remonter à ce niveau.
5) Médications et autres
Dans un monde où les intérêts économiques de l’industrie privée sont souvent mêlés à des systèmes de santé saturés qui n’allouent pas l’éducation et la prévention, la prescription de médicaments pour ”aider tout de suite avec le problème” semble plus souvent la norme qu’on le voudrait. Il existe une longue liste de médications qui traitent des problèmes engendrés par l’inflammation, le diabète et autres problèmes de santé, mais qui ne règlent rien au niveau comportemental. Pour la personne qui n’a que très peu de ressources (matérielles, connexions, assurance-maladie, accès à des professionnels compétents, ect…), la problématique semble avoir beaucoup moins de chances d’être abordée au niveau béhavioral.
6) Conclusion
Il existe probablement beaucoup d’autres facteurs qui expliquent pourquoi l’obésité est en hausse. Il n’est pas à négliger que l’absence d’obésité ne veut certainement pas dire automatiquement qu’un sujet est en santé, particulièrement lorsqu’on sait à quel point les problèmes de santé mentale sont en hausse. L’obésité ayant la particularité d’être si visible, il n’est donc pas étonnant, d’y voir des polarités si opposées ; des groupes ”bully” qui pensent ”que c’est ta faute si t’es gros(se)” et d’autres qui poussent ”l’acceptation de soi à l’extrême”, au détriment souvent des problèmes de santé souvent associés à celle-ci. La réponse se trouve souvent quelque part au milieu, et des solutions sont possibles. Pour plus de détails, voir ici cet excellent blogue (Dr. Spencer Nadolski : 2014) dont le présent article s’est grandement inspiré.
Soyez bons,
Max