Pourquoi j’adhère à un mode vie Végane, de Sébastien Coté, kinésiologue

À ma connaissance, je me retrouve à faire partie d’une minorité dans mon milieu. Bien que je n’apprécie pas les étiquettes, on me qualifie de végétalien. Techniquement, c’est vrai. Je ne consomme aucune protéine animale; ma conjointe et mes enfants non plus. Ce n’est pas quelque chose que je mets de l’avant, surtout pas publiquement. C’est un terme radioactif qui, plus souvent qu’autrement, peut être instrumentalisé pour discréditer les propos de celui qui porte l’étiquette.

Souvent décrits comme des “sensibles”, on accuse les gens qui s’abstiennent de consommer des produits animaliers de ne pas être pragmatiques. Ils laisseraient leurs biais émotifs obstruer leur jugement. Certains faits “irréfutables”, comme la biodisponibilité supérieures des protéines animales, ou la réalité que les humains sont omnivores, viennent réduire l’argumentaire des végétaliens à des concepts surtout émotionnels ou éthiques. C’est d’ailleurs ce que j’ai répondu à l’un de mes amis, il y a environ 13 ans, quand on a eu la discussion sur son virage végé. Étant à l’époque un joueur de football très ancré dans le régime poulet-riz blanc-brocoli, je l’ai bien sûr simplement traité de ”moumoune”.

”On est l’espèce dominante de la planète de toute façon, on peut bien faire ce que l’on veut, non”?

Tous les faits énumérés plus haut sont vrais. Les protéines, ainsi que plusieurs autres nutriments, sont mieux assimilés par notre corps s’ils proviennent de sources animales. Nous sommes l’espèce dominante sur Terre, et on peut bien littéralement faire ce que l’on veut avec notre environnement physique, social, et biologique. Notre corps est capable de digérer presque n’importe quoi. Plantes, animaux, insectes; ça n’a pas d’importance. C’est d’ailleurs ce qui nous a propulsé non pas au sommet, mais à l’extérieur de la chaîne alimentaire (nous inventons nous-même notre propre nourriture). On peut habiter n’importe où, et manger n’importe quoi. On peut aussi organiser nos sociétés n’importe comment.

Par ailleurs, ce qui est aussi scientifiquement irréfutable, c’est que l’on peut également être en excellente santé en ne mangeant que des végétaux. On peut également être au sommet de plusieurs disciplines sportives très différentes; il y a des triathlètes ET des combattants MMA au sommet de leur discipline qui ne consomment aucun produit animal.

Le film controversé ”The Game Changers”, qui était beaucoup trop sensationnaliste à mon goût, fait une démonstration sans équivoque:

”Une alimentation exclusivement végétale peut, au strict minimum, être équivalente à une alimentation omnivore, peu importe nos objectifs de santé ou de performance”.

(Le reste, concernant la virilité des hommes ou la capacité de récupération surhumaine du protagoniste, ne sont que du bruit qui minent la crédibilité de l’ensemble de l’oeuvre). On peut se lancer des études par la tête qui démontrent ceci ou cela. Mais s’il existe un consensus en nutrition, c’est que manger principalement des aliments végétaux entiers doit être à la base de notre stratégie alimentaire; que l’on choisisse des sources de protéines animales ou pas. Est-ce que c’est plus compliqué? Je ne pense pas. Il faut ré-apprendre à manger d’une certaine façon, mais en quelques semaines le tour est joué. Vu la taille de l’enjeu, c’est un effort marginal de modifier quelques dizaines de recettes, étalé sur plusieurs semaines.

Alors, une fois que l’on accepte qu’il n’y a pas d’avantage inhérent d’une part ou de l’autre, et qu’une excellente santé peut être atteinte avec une alimentation bien planifiée que l’on consomme exclusivement des végétaux ou pas, comment choisir?

Commençons d’abord par écarter les critères de préférence personnelle. Ceux-ci sont intrinsèquement des biais, et n’ont pas leur place dans une réflexion sur de tels enjeux. Le fromage et la viande peuvent être physiquement agréables à consommer, mais je crois que c’est prudent, dans toute réflexion approfondie, de reléguer ces considérations au dernier rang. Donc, on regarde l’impact de ce que l’on mange à l’extérieur de notre nombril (littéralement). L’agriculture industrielle est un véritable fléau qui joue un rôle clé dans les changements climatiques, que l’on regarde les figures conservatrices ou alarmistes. On sait également que les animaux que l’on consomme et exploite sont dotés des mêmes impératifs émotifs que nous. Les vaches agonisent quand on leur enlève leurs petits, et les cochons sont terrorisés lorsqu’ils attendent en file pour se faire trancher la gorge. Ces énoncés sont également des faits. Si certaines personnes sont inconfortables en lisant ces mots, c’est parce que l’être humain rationnel qui prend des décisions alimentaires basées sur le profil aminé de leurs assiettes n’existe pas.

Un autre fait scientifique est que nous ne prenons aucune décision basée sur un calcul froid. Nos décisions sont prises en fonction de nos systèmes de croyances respectifs. La véracité de ces énoncés vient d’ailleurs nous pousser alors à l’extérieur du champ de “compétence” de la science. La science nous démontre ce qui est possible, et comment les choses fonctionnent. Elle ne nous dit rien sur ce que l’on “devrait” faire. Alors une fois que l’on accepte qu’il n’y a pas d’avantage inhérent d’une part ou de l’autre, et qu’une excellente santé peut être atteinte avec une alimentation bien planifiée que l’on consomme exclusivement des végétaux ou pas, comment choisir?

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Quand on m’a proposé d’écrire un article sur le végétalisme, il m’a été demandé de parler de mes motivations ainsi que les bénéfices d’adopter cette façon de manger. Mais la réalité, c’est que les avantages physiques sont plutôt limités. Je peux manger plus de nourriture, vu la densité calorique moindre des sources de protéines végétales. Évidemment, l’élimination des produits laitiers a eu un impact positif important sur ma peau, et l’épicerie coûte moins cher. Les lentilles, c’est beaucoup moins dispendieux que du bœuf. Le bénéfice le plus important par contre est plutôt sur le plan émotif. Mes décisions alimentaires, qui représentent un gros segment de mes décisions totales, sont alignées avec mes priorités.

Je peux déjà entendre certains lecteurs me rétorquer que la viande acquise par la chasse échappe à ces arguments. Les animaux ne souffrent pas (si c’est bien fait), ont vécu une bonne vie, et ne sont pas produits dans un contexte industriel. Cette viande est donc de meilleure qualité, ne participe pas à la (silencieuse) catastrophe qu’est la sur-utilisation des antibiotiques, et n’a pas d’impact sur le climat. Toutes ces choses sont également vraies, cependant comme il n’y a pas d’avantage inhérent et évident à la consommation de viande, ajouter un tel niveau de complexité et d’organisation de mon alimentation (sans parler des coûts) me paraît inutile.

Peut-être que certains lecteurs sont déçus de ne pas avoir eu ici l’occasion de lire une revue de littérature sur les bienfaits d’une alimentation exclusivement végétale. C’est tout simplement parce qu’à mon avis, cette discussion est rendue stérile. Le combat scientifique classique réductionniste d’absorption de nutriments et d’optimisation de XYZ processus physiologique ne nous guide par sur ce que l’on DEVRAIT faire. À mon avis, ce que l’on devrait faire, ou du moins, ce que je décide de faire, est de faire confiance à la majorité des scientifiques qui nous disent que d’abord, les changements climatiques sont à prendre (très) au sérieux, et que l’élevage de bétail industriel est en cause. Et d’autre part, que j’ai une responsabilité morale d’au minimum, ne pas contribuer au tort causé aux animaux de ferme.

En terminant, j’aimerais préciser que je ne suis pas vertueux. Je tue les araignées dans ma maison, et quand il n’y a plus de place dans le compost, je jette les restants de table à la poubelle. J’espère tout simplement, comme tout le monde, de pouvoir dire que j’ai fait de mon mieux quand viendra le temps de laisser ma place à mes enfants.

Sébastien Côté, B.Sc.