La méthode de force maximale (1RM) existe depuis la nuit des temps. Partout, avant d’avoir des balances qui nous permettaient de peser les poids, des hommes et des femmes se lançaient des défis de force de tous genres. Il est rapporté que Louis Cyr a ainsi soulevé de terre une grosse roche pesant 514 lbs (officiellement pesée plus tard) en 1883, roche que personne n’arrivait à lever de terre. Aujourd’hui, nous avons des poids et haltères des plus ergonomiques, qui nous permettent d’adapter les charges à nos leviers physiques au lieu de l’inverse (une grosse roche n’est certainement pas ergonomique à soulever), mais en revanche avons de moins en moins d’incitatifs à ”tester notre force physique limite”, malgré le fait que les salles d’entraînement sont maintenant accessibles au plus grand nombre. Dans cet article, j’expliquerai pourquoi j’utilise cette méthode avec une partie de ma clientèle, malgré les bémols qui sont importants à maîtriser.
1) Système nerveux +++
Avant de parler de système nerveux, il est important, à mon avis, d’identifier pourquoi est-ce qu’on veut améliorer la force des gens? Pourquoi est-ce que c’est une qualité importante à entraîner? Pourquoi ne pas juste la maintenir pendant qu’on travaille à améliorer autre chose? Il est à noter que de nombreux coachs seront en désaccord avec mes conclusions de terrain, mais il me semble difficile de réfuter le fait suivant :
– la force semble la qualité la plus importante à entraîner pour prévenir les complications précoces reliées au vieillissement.
Nous savons, entres autres depuis plusieurs années que la force de préhension (force de la main) est associée de façon très prédictive à notre santé/capacité à rester autonome dans nos vieux jours. Cette réalité ne date pas d’hier et a été démontrée encore et encore. J’en conclus que la force de préhension doit être fortement corrélée à la capacité d’accomplir la plupart des tâches qui font de nous des êtres humains fonctionnels, même si elle n’est pas directement reliée à la capacité de monter des marches, par exemple. Alors, on en conclut qu’il semble important de travailler sur notre capacité à produire de la force tôt dans notre vie, pour arriver dans nos vieilles années avec une bonne fondation de force (ainsi que plusieurs autres qualités, comme la mobilité espérons-le), qui espérons-le nous permettra rester fonctionnels aussi longtemps que possible.
Pour ce faire, nous nous devrons de stimuler notre système nerveux. Sans faire de cours de physiologie 101, nous avons 2 types de système nerveux :
Leurs différences expliquées de la façon la plus simple est que nous n’avons pas directement à réguler notre fréquence cardiaque ou notre température corporelle. Notre système nerveux autonome s’en occupe pour nous, alors que nous avons à prendre une décision consciente pour marcher, par exemple. Chaque contraction musculaire consciente doit donc passer par le cerveau, et cette capacité de contracter nos muscles avec force peut être grandement améliorée avec le temps, indépendamment de l’évolution de la taille des fibres musculaires (donc, l’hypertrophie n’est pas nécessaire). Nous pouvons ainsi dire qu’une personne exposée régulièrement à des tâches de haute contraction musculaire (notre corps ne pense pas en termes de ”poids”, il réagit à la tension de la tâche demandée) devient significativement meilleure à contracter un haut pourcentage de ses unités motrices disponibles, passant d’un petit pourcentage à potentiellement un pourcentage très élevé de ses capacités neuro-motrices, après plusieurs années d’entraînement en résistance.
2) Applications dans le gym, et conditions de sécurité
J’entends certains penser :
” Mais mon p’tit Maxou, tu peux ne peux certainement pas dire que tu saignes du nez et deviens aveugle en levant ta barre pour maintenir ta force physique dans tes plus vieilles années”? Tu trouves pas ça un peu excessif”?
Ma réponse :
”Oui et non, comme toujours”.
Tout d’abord, il est important de mentionner que ma philosophie comme coach est d’obtenir les meilleurs résultats possibles pour mes clients. La plupart d’entre eux étant dans la vingtaine ou la trentaine, il est très difficile de justifier tout ce que nous faisons comme étant de ”la prévention pour nos vieilles années”, certains d’entre nous étant à 40 ans de la retraite ou plus. Certains d’entre nous poussent pour la performance, aucun doute là-dessus. Cependant, tous mes clients passent à travers une rigoureuse préparation physique de plusieurs semaines/mois/années avant de se mériter le ”droit” de lever des charges maximales. Par exemple, apprendre à ”prendre de l’air” ou ”bracer” convenablement est un ”game changer” en termes de prévention de blessures.
Ensuite, malgré le fait que tous mes clients travaillent sur plusieurs ”faiblesses” de leur condition physique avant de ”maxer”, certains d’entre eux n’ont pas la santé orthopédique pour le faire. Et c’est là que le bât blesse ; très peu de gens possèdent l’expertise pour juger si une personne est prête ou non à ”maxer” un exercice donné. Après avoir analysé des centaines, sinon des milliers de personnes effectuer tous les exercices en-dessous du soleil, mes clients estiment (heureusement) que j’ai l’expertise pour le faire. C’est pourquoi je ne le recommanderais à personne qui s’entraîne tout seul, tout simplement parce que cette personne n’a personne pour l’analyser ; pour maxer convenablement, une technique irréprochable se doit d’être démontrée. Souvent, les gens qui s’entraînent seuls, sans coach et sans partenaires d’entraînement, n’ont personne pour leur donner du feedback, et s’exposent à développer des problèmes orthopédiques qui vont devenir semi-permanents tant qu’un ajustement ne sera pas fait à ce niveau. Et cette réalité n’a rien à voir avec le fait de ”maxer” ou pas.
3) Une bonne méthode pour augmenter la force?
Le 1RM est à mon avis la meilleure méthode pour augmenter la force, et ce pour 2 raisons :
3.1) Elle oblige le sujet à toucher une charge qu’il n’avait jamais touché auparavant. Ça provoque un stress physiologique énorme qui force une adaptation neurale (vous vous souvenez du point 1?) qui ne serait pas possible autrement. Souvent, je consulte avec des gens qui ont une expérience d’entraînement considérable et une technique parfaite, et qui ne sont pas forts physiquement. Pourquoi? On ne les jamais ”poussés” à tester leurs limites sur aucun exercice, dans aucune condition dans le passé. Ces gens-là sont habitués de rester bien en-dessous de leurs limites physiques, et payent le prix au niveau psychologique aussi, à mon avis ; ils ont peur d’un poids qu’ils ne sont pas certains d’être capables de lever.
3.2) Un 1RM force à prendre le poids sérieusement. Impossible d’être ”sloppy” avec un poids qui représente 105% de notre meilleure charge à vie! D’ordinaire, les gens se blessent en s’entraînant pour les raisons suivantes :
– préparation physique/compétences inadéquates pour le défi/exercice proposé (particulièrement à 0:50 : le gars le gars n’était pas prêt/techniquement assez avancé pour cette charge, et il a eu l’air d’un imbécile, et pareil pour tous les autres idiots qui suivent dans la vidéo), sauf Chris Duffin.
– erreurs d’inattention, au niveau technique, comme on peut voir avec Chris Duffin, qui a été incapable de remettre la barre au bon endroit après avoir performé son squat, dans la même vidéo (3:52). Heureusement, personne ne semble s’être fait mal.
4) Risques de blessures?
Évidemment, aucune étude randomisée ne semble avoir été menée pour mesurer l’impact de la méthode 1RM vs 3RM, par exemple, mais mon expérience personnelle est qu’il semble plus dangereux de lever sa charge maximale sur 3 répétitions, simplement parce que le facteur fatigue rentre en ligne de compte. Pour 3 répétitions, à 95% de son 1RM estimé par exemple (exemple :1RM estimé à 300 lbs, donc 285 lbs x 3 répétitions), le sujet va souvent performer sa première répétition parfaitement, alors que les 2 autres (et particulièrement la 3ième) vont souvent être sous-optimales au niveau technique, en plus d’être inférieures pour le développement de la force. Cet argument (de faire des 3RM ou des 5RM) est selon moi donc valide pour des exercices plus difficiles techniquement (comme le good morning) par exemple, mais invalide pour des exercices comme le front squat, le press ou le bench press. Aussi, étant donné qu’on parle d’une répétition à la fois, il est beaucoup plus facile d’estimer les augmentations de charges, engendrant moins de fatigue accumulée, ce qui est un facteur extrêmement important pour minimiser les risques de blessures.
Puisque mes clients se doivent de démontrer à chaque semaine qu’ils ont la capacité de ”maxer”, notre incidence de blessures en levant des charges maximales est extrêmement bas. Il semble beaucoup plus courant, par exemple, de voir des jeunes se blesser en faisant leur sport ou de voir Mr. Joe Black se faire une lombalgie en pelletant à la première neige de l’année.
5) Facteur Motivation : ça compte?
En tant que coach, l’un des défis les plus importants est de garder ma clientèle motivée à l’année longue, car on sait bien que dans à peu près tout, arrêter d’avancer, c’est automatiquement reculer, car l’horloge ne s’arrête pas pour nous attendre. La méthode 1RM est donc un excellent moyen de garder tout le monde motivé, car ils ont tous les yeux sur le classement des meilleurs ”lifts”. À son extrême, cette réalité peu devenir très contre-productive quand les athlètes ne veulent que lever lourd pour battre les résultats des autres au lieu de se concentrer sur les leurs, négligeant leur technique et s’exposant dangereusement, mais c’est pourquoi ils me payent si cher pour que je les supervise! C’est ma responsabilité de garder tout le monde honnête.